Gimini Criquet.

Tu te lèves un matin mon gars, et tu te rends compte que t'as 24 piges. 
T'ouvres péniblement un oeil, le deuxième suit par pur mimétisme et tu poses un regard douloureux sur ce qui t'entoure. Ta petite chambre modeste te fais de l'oeil, elle te fixe plus que tu ne la regarde. Tu te sens pouilleux et miséreux, et tu te demandes ce que t'as bien pu faire de ta vie. Tes chaussettes sales jonchent le sol, en vrac, t'attends que maman vienne les ramasser pour les laver. Tu jettes un coup d'oeil à l'étagère qui en porte bien plus sur ses épaules que toi. Les gros bouquins s'y disputent un peu d'espace, ils t'appellent pour que tu daignes les feuilleter. La seule feuille qui t'intéresse est celle dans laquelle tu vas rouler. 
Ton téléphone, un iPhone, forcément, ne te sers qu'à regarder l'heure. Plus personne n'a envie de perdre de temps avec toi, le temps courre et toi tu coules mais sache, jeune homme, que l'iphone n'est pas waterproof.
Ainsi débute ta piètre journée. Après avoir déjeuné et grillé ta première clope, tu te douches et t'y passes de longues minutes. Si pour certains, il s'agit d'un moment de réflexion intense, pour d'autres, le lieu de naissance d'un imaginaire exalté, pour toi, il ne représente qu'une corvée, qu'une tâche à accomplir. Parfois, dans un instant d'égarement, tu te demandes comment tu as bien pu en arriver là. Tu fouilles, tu cherches, tu te questionnes, mais tu ne trouve pas la réponse.
Moi, ta conscience, celle qui te souffles à l'oreille ce que tu devrais faire, moi, que tu étouffes par les volutes de fumée qu'exhale ta bouche, je crie, je peine, je t'interpelles, mais tu m'ignores.
La vérité est simple. Tu n'es bon à rien.
Plus jeune, tu brillais en société, tu étais une petite étoile montante. Ton 3310 s'excitait toutes les 10 minutes, ton 3310, ton Hermès, faisait de toi un dieu, un Zeus. Aujourd'hui, dans ta tour d'ivoire, tu n'es qu'une Raiponce isolée, qu'une princesse que le monde effraie. Si mes références sont mythologiques et fantastiques, rappelle toi juste que ta vie, elle, n'a rien de féerique.
Ecoute moi, jeune homme. Ecoute attentivement. Lève toi, quitte cette chaise, éteins cette clope et deviens quelqu'un de bien. Oublie tes salopes car la vie file comme la toile de Pénélope. Oublie ton passé, tes heures de gloire, et avance. Construis, bâtis, tu es jeune, rien n'es perdu, ta volonté est là, soigneusement cachée sous toutes ces couches de méchanceté.
Cesse de balayer d'un revers de la main mes paroles aussi précieuses que cette poudre que tu renifles avec délice.
Moi, ton Gimini Criquet, je vaux mieux que ça, je vaux mieux qu'un scélérat. Je travaille dur tu sais. Je parle, je suis bavard, j'aimerais t'écouter, mais tu n'as rien à dire. Ta vie se résume à si peu de choses et rien n'est assez bien pour toi. Toi, es-tu assez bien pour quoi que ce soit? L'exigence repose sur la réciprocité et tu n'auras des résultats que si tu es à la hauteur. Sans cela, tu ne t'élèveras pas plus  que ton voisin au chômage depuis une éternité.
Tu sais quoi, mon gars? Rend moi un service. Un seul. Tire toi une balle et laisse ta conscience, moi, cette entité au prix incalculable me diriger vers une âme plus intéressante; des âmes qui rament et qui pleurent une vie qu'ils n'auront jamais, faute de moyens. Licencie moi, je t'implore. Laisse-moi partir, par pitié. Fais seulement une bonne chose dans ta vie. Une seule. Disparais. 

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